Le choléra

Le choléra

Le choléra est une infection bactérienne aiguë qui se manifeste par une diarrhée liquide profuse. Il provoque une déshydratation rapide et parfois un choc hypovolémique qui peut être mortel. La maladie est causée par une entérotoxine produite par le Vibrio cholerae. Deux sérogroupes, soit le 01 et le 0139 (Bengale), ont été mis en cause dans des épidémies humaines. Dans le sérogroupe 01, on retrouve les biotypes classique et El Tor.

Le taux de mortalité, qui peut dépasser 50 % en l'absence de traitement, est généralement inférieur à 1 % si les patients sont traités correctement. Ce traitement consiste habituellement en une réhydratation par voie orale ou parentérale. L'infection est associée à de mauvaises conditions d'hygiène et résulte généralement de l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés, en particulier des coquillages et des poissons crus ou insuffisamment cuits.

Le tableau clinique est très varié, les cas bénins et asymptomatiques étant plus fréquents que les cas graves. Le ratio cas symptomatiques/cas asymptomatiques varie d'une souche à l'autre. Dans les infections dues au biotype El Tor, ce ratio (1:50) est beaucoup plus faible que dans les infections cholériques dues au biotype classique (1:5). L'humain est le seul hôte naturel connu.

Le choléra est une maladie quarantenaire assujettie à des règlements sanitaires internationaux. Cette maladie doit être déclarée à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans les 24 heures par l'intermédiaire de la Division de la quarantaine et de la santé des migrants de Santé Canada. Il faut avertir immédiatement cette dernière de tout cas suspect en composant le 613-957-3236 (en dehors des heures ouvrables, joindre le médecin de garde au 613-545-7661).
Épidémiologie

La septième pandémie de choléra a débuté en 1961, année où le V. cholerae du biotype El Tor a gagné successivement l'Asie du Sud, le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est et, en 1970, l'Afrique. En 1991, le biotype El Tor a causé une épidémie au Pérou, qui s'est propagée à d'autres pays de l'Amazonie et de l'Amérique centrale.

Durant les années 90, une nouvelle souche du virus cholérique, appartenant au sérogroupe 0139 (Bengale), a provoqué une épidémie, qui a débuté en Inde et au Bangladesh, sur les bords de la baie du Bengale. Cette épidémie s'est propagée à d'autres pays en Asie, mais n'a pas franchi les limites de la région.

Au Canada, trois cas de choléra ont été signalés en 1998 et, selon des données préliminaires de surveillance, aucun cas n'aurait été enregistré en 1999 et cinq (non confirmés) auraient été déclarés en 2000. Entre 1993 et 1997, 23 cas dus au biotype El Tor ou Ogawa ont été recensés. Bien que les données sur les déplacements ne soient pas disponibles pour tous les cas, les destinations fréquentées incluent le El Salvador, le Mexique, la République dominicaine, l'Inde et le Pakistan. Bon nombre de ces voyageurs avaient visité des résidences privées. Comme on pouvait s'y attendre dans un pays comme le Canada, bénéficiant d'installations sanitaires modernes, de bonnes conditions d'hygiène et de réseaux d'approvisionnement en eau de bonne qualité et où le risque de transmission est faible, aucune transmission secondaire n'a été observée.

La prévention du choléra chez les voyageurs repose davantage sur les précautions avec l'eau et les aliments et le respect des mesures d'hygiène, que sur la vaccination.
Préparations vaccinales homologuées

Le vaccin oral vivant atténué contre le choléra CVD 103-HgR (Mutacol®), est homologué au Canada pour usage chez les adultes et les enfants de > 2 ans. Des souches clonées d'une souche de V. cholerae sont utilisées dans sa préparation. Le vaccin contient également de l'aspartame (un dérivé de la phénylalanine), qui est ajoutée comme édulcorant. La solution tampon contient du bicarbonate de soude, de l'acide ascorbique et du lactose, qui servent à neutraliser l'acide gastrique.

Il n'existe actuellement aucun vaccin contre le choléra qui confère une protection contre la souche 0139 Bengale qu'on trouve en Asie du Sud.

Le vaccin CVD 103-HgR n'offre pas de protection contre la diarrhée due à Escherichia coli (ECET), qui est une cause fréquente de diarrhée chez les voyageurs. Un vaccin expérimental oral contenant la sous-unité B de la toxine du choléra et la bactérie cholérique entière inactivée (BS-WC), qui n'est pas actuellement homologué au Canada, pourrait conférer une certaine protection contre la diarrhée due à ECET de même que contre le choléra.

Un vaccin oral vivant atténué contre le choléra associé à un vaccin contre la typhoïde (Colertif Berna®) a été homologué mais n'est pas actuellement distribué au Canada.

Le vaccin parentéral inactivé contre le choléra a une efficacité limitée de courte durée et n'est pas recommandé pour les Canadiens qui se rendent dans des zones endémiques.

Remarque : le présent chapitre ne traite que du vaccin oral contre le choléra CVD 103-HgR.
Efficacité et immunogénicité

Des taux de séroconversion supérieurs à 90 % ont été signalés après l'administration par voie orale d'une seule dose du vaccin. La séroconversion survient dès le 8e jour après la vaccination et persiste 6 mois. Des études d'efficacité ont été effectuées chez des volontaires exposés aux deux biotypes et sérogroupes de V. cholerae. La protection contre le biotype classique a été mise en évidence chez 82 % à 100 % des sujets et la protection contre le biotype El Tor chez 62 % à 67 % des sujets exposés. Même lorsque le vaccin n'offrait pas une protection complète, aucun volontaire n'a perdu plus d'un litre de liquide diarrhéique en 24 heures.

Ce vaccin ne protège pas contre la souche 0139 Bengale.
Indications

Les voyageurs devraient prendre les précautions nécessaires pour éviter toute exposition (par contact ou ingestion) à des aliments ou à de l'eau potentiellement contaminés, étant donné que toutes les personnes vaccinées ne seront pas complètement protégées contre le choléra. C'est particulièrement le cas des voyageurs qui se rendent dans des zones où la souche 0139, pour laquelle il n'existe pas de vaccin, est endémique.

L'OMS indique que, depuis 1992, aucun pays ni territoire n'exige de certificat de vaccination contre le choléra. Le vaccin contre le choléra n'est plus exigé ni même recommandé pour la grande majorité des voyageurs canadiens. Les personnes qui s'en tiennent aux itinéraires touristiques habituels dans les pays où sévit le choléra ne courent à peu près pas de risque de contracter cette infection.

Les voyageurs qui pourraient être à risque accru (p. ex., les professionnels de la santé qui travaillent dans les régions endémiques ou les travailleurs dans des camps de réfugiés) pourraient tirer profit de la vaccination. Une évaluation individuelle détaillée du risque doit être effectuée afin de déterminer quels voyageurs devraient être vaccinés.
Voie d'administration

Le vaccin oral contre le choléra est administré en dose unique avec sa solution tampon, mélangée dans de l'eau froide ou tiède. Le vaccin doit être pris 1 heure avant un repas.
Doses de rappel et revaccination

La dose optimale de rappel et l'intervalle optimal entre les doses n'ont pas encore été déterminés. Le fabricant recommande cependant qu'une nouvelle dose soit administrée tous les 6 mois, si cela semble nécessaire.
Test sérologique

Aucun test sérologique pré- ou post-immunisation n'est recommandé.
Conditions d'entreposage

Le vaccin oral contre le choléra (CVD 103-HgR) doit être conservé à une température située entre 2 °C et 8 °C dans un endroit sec et protégé de la lumière; il ne doit pas être congelé. Le vaccin reconstitué doit être ingéré le plus rapidement possible après avoir été préparé.
Administration simultanée d'autres vaccins

L'administration du vaccin oral contre la typhoïde (Ty21a) en capsules et du vaccin oral contre le choléra devrait être espacée d'au moins 8 heures. Le vaccin oral contre la typhoïde offert en sachets peut être pris en même temps que le vaccin oral contre le choléra, les deux vaccins étant alors mélangés ensemble, en utilisant un seul sachet de tampon.

On ne prévoit pas que l'administration concomitante du vaccin oral contre le choléra et de vaccins inactivés pose des problèmes. L'administration simultanée du vaccin oral contre la poliomyélite (qui n'est plus utilisé au Canada) ou du vaccin contre la fièvre jaune n'entrave pas la réponse immunitaire au vaccin oral contre le choléra.
Effets secondaires

Des essais comparatifs randomisés portant sur plusieurs milliers de sujets ont été effectués dans un certain nombre de zones où le choléra est endémique et non endémique et ont mis en évidence l'innocuité du vaccin CVD 103-HgR (Mutacol®). Le profil des effets secondaires était similaire chez les sujets vaccinés et ceux qui avaient reçu un placebo. Au nombre de ces effets figuraient les nausées, les crampes abdominales et la diarrhée, qui étaient toutes bénignes et de courte durée.
Contre-indications et précautions

L'administration d'autres doses est contre-indiquée dans les cas d'hypersensibilité au vaccin et aux composantes de la solution tampon. Les patients atteints de phénylcétonurie doivent savoir que le vaccin contient de l'aspartame (un dérivé de la phénylalanine), chaque sachet à double compartiment renfermant 17 mg de phénylalanine.

Le vaccin ne doit pas être administré durant une maladie fébrile aiguë ni dans les cas de maladie gastro-intestinale aiguë.

Seule une quantité minime de micro-organismes contenus dans le vaccin est excrétée, et la transmission aux personnes qui sont en contact avec le sujet vacciné est peu probable.

Usage chez les enfants : étant donné que l'innocuité du vaccin oral contre le choléra n'a pas été établie chez les enfants de < 2 ans, son usage n'est pas recommandé dans ce groupe d'âge.

Usage chez les femmes enceintes et les mères qui allaitent : il n'existe aucune donnée sur l'innocuité du vaccin durant la grossesse. Comme il s'agit d'un vaccin vivant, il devrait être administré avec prudence aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent. Une analyse risques/bénéfices devrait être effectuée avant de procéder à la vaccination. On ignore si le vaccin est excrété dans le lait humain.

Usage chez les personnes immunodéprimées : on ne dispose d'aucune donnée sur l'innocuité du vaccin chez ces sujets; il faut donc l'administrer avec prudence aux personnes immunodéprimées ou ayant reçu un traitement immunosuppresseur. Il convient d'évaluer les risques individuels afin de déterminer si une vaccination est indiquée.
Autres considérations

Administration simultanée d'antibiotiques ou d'antipaludéens : les antibiotiques peuvent réduire l'efficacité du vaccin. Les personnes sous antibiothérapie doivent attendre 7 jours après la fin du traitement avant de recevoir le vaccin oral contre le choléra.

La prophylaxie antipaludéenne, notamment la prise de chloroquine et de doxycycline, peut compromettre l'efficacité du vaccin. La prise de ces médicaments ne doit pas débuter moins de 7 jours après l'administration du vaccin oral contre le choléra.

La prophylaxie antipaludéenne consistant en la prise de méfloquine ou de proguanil n'entrave pas l'efficacité du vaccin oral contre le choléra et peut donc être administrée en même temps.
Résumé des recommandations

1.

Le vaccin oral contre le choléra (CVD 103-HgR) offre une protection contre le sérogroupe 01. Il ne protège pas contre le sérogroupe 0139 (souche Bengale).
2.

L'usage du vaccin CVD 103-HgR n'est pas systématiquement recommandé pour la prévention du choléra chez la grande majorité des voyageurs qui se rendent dans des zones endémiques et il faut effectuer une évaluation détaillée du risque individuel pour déterminer si un voyageur court un risque accru de contracter le choléra (p. ex., les travailleurs humanitaires ou les professionnels de la santé oeuvrant dans les zones endémiques).
3.

Le vaccin CVD 103-HgR ne semble pas conférer de protection contre la diarrhée du voyageur due à ECET.
4.

On recommande aux voyageurs de suivre les recommandations du CCMTMV pour la prévention et le traitement de la diarrhée du voyageur.

Références choisies

Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages et Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration préliminaire conjointe concernant le vaccin oral contre le choléra. RMTC 1998,24(DCC-5).

Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages. Déclaration sur la diarrhée du voyageur. RMTC 2001;27(DCC-3):1-12.

Cyrz SJ, Levine MM, Kaper JB et coll. Randomized, double-blind, placebo-controlled trial to evaluate the safety and immunogenicity of the live cholera vaccine strain CVD-HgR in Swiss adults. Vaccine 1990;8:577-80.

Monographie de drogue. Mutachol Berna® vaccine - cholera vaccine live oral attenuated CVD 103-HgR manufactured by Swiss Serum and Vaccine Institute Berne. Distributed by Berna Products Corporation, 1er mars 2000.

Kotloff KL, Wasserman SS, O'Donnell S et coll. Safety and immunogenicity in North Americans of a single dose of live oral cholera vaccine CVD 103-HgR: results of a placebo-controlled, double-blind crossover trial. Infect Immun 1992;60:4430-32.

MacPherson DW, Tonkin M. Cholera vaccination: a decision analysis. Can Med Assoc J 1992;146:1947-52.

Peltola H, Siitonen A, Kyronseppa H et coll. Prevention of traveller's diarrhea by oral B-subunit/ whole-cell cholera vaccine. Lancet 1991;338:1285-89.

Sack DA, Cadoz M. Cholera vaccines. Dans : Plotkin XX, Orestein XX. Vaccine. 3e édition. Philadelphie : W.B. Saunders, 1999.