La diphtérie

La diphtérie

La diphtérie est une maladie transmissible aiguë qui affecte principalement les voies aériennes supérieures. Elle se caractérise par la formation d'une membrane grisâtre dans les voies respiratoires accompagnée d'une inflammation, ce qui peut entraîner une obstruction respiratoire. Des souches toxigènes de Corynebacterium diphtheriae sont à l'origine de la maladie. Des souches toxigènes ou non toxigènes de ce microorganisme peuvent coloniser le nasopharynx, la peau et d'autres régions du corps des porteurs asymptomatiques. Le taux de létalité de la diphtérie varie de 5 % à 10 %, et c'est chez les très jeunes enfants et les personnes âgées qu'il est le plus élevé.

En 1924 on a recensé pas moins de 9 000 cas de diphtérie, le plus grand nombre de cas déclarés en une année au Canada. L'anatoxine diphtérique a été homologuée au Canada en 1926 et a commencé à être utilisée dans les programmes d'immunisation systématique des nourrissons et des enfants en 1930. Dans les années qui ont suivi immédiatement le début de la vaccination, environ 2 000 cas de diphtérie ont été déclarés chaque année. Au milieu des années 50, la vaccination systématique avait déjà entraîné une baisse remarquable de la morbidité et de la mortalité attribuables à la diphtérie. Depuis le début des années 80, l'incidence de la diphtérie demeure très faible; de 1986 à 1995, on n'en a dénombré que de deux à cinq cas par année. Dans la plupart des cas signalés au cours des 10 dernières années, la maladie a frappé des personnes non immunisées de >= 20 ans. La diphtérie classique est rare au Canada, et aucun décès attribuable à cette maladie n'a été signalé depuis 1983.

Au Canada, la déclaration des cas de diphtérie s'inspire d'une définition de cas fondée sur les symptômes cliniques se manifestant au niveau des voies respiratoires supérieures (pharyngite et (ou) laryngite), avec ou sans présence d'une membrane ou de symptômes d'infection aiguë (atteintes cardiaques ou neurologiques), et sur la confirmation en laboratoire de la présence d'une souche toxigène. Cependant, on isole encore chaque année des souches toxigènes du bacille diphtérique chez des porteurs dont la plupart appartiennent à des populations aborigènes du nord et de l'ouest du Canada; ces porteurs présentent parfois des symptômes cliniques bénins. Comme ces cas bénins ne sont pas déclarés, on ne connaît pas avec précision le degré de circulation des souches toxigènes. Cependant, l'incidence minime de la diphtérie (d'après les cas déclarés), permet de croire que la circulation de ces microorganismes est très limitée. La recrudescence apparente de la diphtérie pendant les années 70 s'explique par l'inclusion de cas de diphtérie non classique (porteurs) dans les provinces de l'Ouest; elle ne traduit pas une augmentation réelle de l'incidence de cette maladie.

En 1996, la Division de l'immunisation a effectué une enquête sérologique auprès d'un échantillon d'adultes en santé qui avaient donné du sang dans cinq centres situés dans différentes régions du Canada; de 13 % à 32 % des donneurs présentaient une concentration d'antitoxine diphtérique jugée insuffisante pour les protéger contre la maladie. Dans l'ensemble, le degré d'immunité variait selon le groupe d'âge; la proportion de sujets réceptifs était de 10 % chez les personnes de 30 à 39 ans, mais de 36 % chez les >= 60 ans. La réceptivité potentielle à la diphtérie variait aussi selon la région du pays; cependant, les conclusions générales au sujet de la possibilité d'une recrudescence de la diphtérie qui pourrait provoquer de grandes épidémies sont troublantes. Les résultats de l'enquête sont d'autant plus significatifs que l'échantillon était constitué de sujets relativement en bonne santé. Le degré d'immunité réel de la population adulte en général serait vraisemblablement inférieur. Il est cependant possible qu'une certaine proportion des sujets séronégatifs soient protégés, dans l'éventualité d'une épidémie, parce qu'ils ont peut-être gardé leur mémoire immunologique, malgré la diminution de leur titre d'anticorps.



Deux facteurs permettent de craindre un retour en force de la diphtérie au Canada : le faible niveau d'immunité observé chez les adultes canadiens et la réapparition de la diphtérie dans certaines régions de l'Europe pendant la présente décennie. Depuis 1990, des épidémies majeures de diphtérie ont éclaté dans les nouveaux États indépendants (NEI) de l'Europe de l'Est, et la maladie s'est par la suite propagée à d'autres pays européens. Dans la seule Fédération de Russie, où la plupart des cas de diphtérie ont été signalés, le nombre de cas déclarés est passé de 200 à 300 par année au milieu des années 70 à près de 2 000 par année en 1990 et 1991, et à plus de 15 000 en 1993. Les principales raisons de cette recrudescence de la diphtérie sont un faible taux de vaccination des nourrissons et des enfants, la piètre qualité de certains vaccins, la baisse de l'immunité chez les adultes et les importants mouvements de population survenus au cours des dernières années. De 1990 à 1995, environ 125 000 cas de diphtérie et 4 000 décès ont été signalés dans les NEI, ce qui représente environ 90 % des cas signalés dans le monde. Malgré le degré de réceptivité objectivé par les données sérologiques recueillies au Canada, il est rassurant de constater que l'épidémie survenue dans les NEI a frappé d'abord les sujets jeunes avant de se propager aux sujets plus âgés, car les jeunes Canadiens et Canadiennes sont très bien protégés contre la diphtérie. Malgré l'abondante circulation de voyageurs entre le Canada et les pays européens où des épidémies de diphtérie ont éclaté, aucun cas signalé au Canada n'a encore été relié à la recrudescence de la diphtérie en Europe.

Néanmoins, les voyageurs en partance pour ces régions doivent être bien informés des dernières recomman- dations concernant les doses de rappel. La vaccination systématique contre la diphtérie est recommandée au Canada. On recommande la vaccination primaire des enfants par l'administration de quatre doses entre l'âge de 2 et de 18 mois; des doses de rappel doivent être données entre 4 et 6 ans et, par la suite, tous les 10 ans. Même s'il arrive que des personnes dûment vaccinées présentent une diphtérie clinique bénigne, l'antitoxine produite par l'immunisation est censée persister pendant au moins 10 ans à un niveau suffisant pour offrir une protection efficace.

Mise à jour 1998 : Un cas probable de diphtérie a été signalé au Yukon en 1997. Ce cas est celui d'un homme de 64 ans qui a développé une enflure et une rougeur à l'amygdale gauche accompagnées de la formation d'une membrane grisâtre sur le côté de l'amygdale gauche et s'étendant jusqu'au palais mou. Le patient a reçu une antitoxine diphtérique et s'est rétabli. Il avait été vacciné au moyen d'une anatoxine diphtérique et tétanique (Td, type adulte) environ quatre ans plus tôt.

L'anatoxine diphtérique

L'anatoxine diphtérique est une préparation acellulaire de toxine diphtérique détoxifiée au formaldéhyde. Elle est très immunogène, mais deux à trois doses primaires sont nécessaires pour assurer une séroconversion fiable et des concentrations suffisantes d'anticorps protecteurs. Les titres diminuent lentement avec le temps, mais peuvent être augmentés par des doses de rappel. On ignore si la disparition de l'antitoxine chez les personnes convenablement immunisées a un effet sur la protection contre la diphtérie. L'anatoxine offre une immunité antitoxique et non antibactérienne, de sorte qu'elle protège contre les effets systémiques potentiellement mortels de la toxine diphtérique et non contre l'infection locale. On a cependant observé que le portage de C. diphtheriae est moins répandu dans les populations immunisées.

L'anatoxine diphtérique existe sous forme adsorbée avec du phosphate d'aluminium et associée à d'autres anatoxines ou vaccins (p. ex., tétanos, poliomyélite ou coqueluche, voir l'annexe III du Guide). La quantité d'anatoxine présente est mesurée en unités de floculation (Lf). Il convient de noter que la quantité d'anatoxine diphtérique dans les préparations associant anatoxine diphtérique et anatoxine tétanique varie beaucoup d'un produit et d'un fabricant à l'autre. Les préparations contenant seulement 2 Lf d'anatoxine diphtérique (couramment désignée par l'abréviation dT) sont destinées aux personnes de >= 7 ans.

Indications

La vaccination systématique contre la diphtérie est recommandée pour toutes les personnes, indépendamment de l'âge auquel a débuté l'immunisation. Les vaccins adsorbés doivent être injectés par voie intramusculaire.

Primovaccination des enfants de < 7ans

Il est préférable d'utiliser une préparation associant l'anatoxine diphtérique, le vaccin anticoquelucheux acellulaire et l'anatoxine tétanique (DCaT), avec ou sans le vaccin inactivé contre la poliomyélite (DCaT-VPTI) et le vaccin conjugué contre Haemophilus influenzae de type b (Hib). La primovaccination à l'aide de l'anatoxine diphtérique seule ou en association comporte une série de quatre doses et devrait idéalement débuter à l'âge de 2 mois. Il est plus commode d'administrer l'anatoxine diphtérique dans le cadre du calendrier de vaccination systématique recommandé (voir la partie 2 intitulée : Calendriers de vaccination recommandés du Guide). Si l'on ne suit pas le calendrier habituel, il convient d'observer les lignes directrices suivantes.

L'intervalle recommandé entre les trois premières doses est normalement de 8 semaines.

Un intervalle plus long n'entraîne pas une réduction des titres d'anticorps finals, mais l'intervalle entre les doses ne devrait jamais être inférieur à 4 semaines. La quatrième dose doit être donnée de 6 à 12 mois après la troisième. On devrait administrer une autre dose de rappel entre 30 et 54 mois après la quatrième dose, habituellement à l'âge de 4 à 6 ans (entrée à l'école). Cette dose de rappel n'est pas nécessaire si la quatrième dose de la série primaire a été administrée le jour du quatrième anniversaire ou plus tard. Bien qu'il ne soit pas essentiel d'administrer une cinquième dose d'anatoxine diphtérique, on recommande fortement l'administration d'une cinquième dose de vaccin anticoquelucheux, et celui-ci est plus facilement administré en association avec les anatoxines diphtérique et tétanique. On devrait administrer une dose additionnelle de la préparation de type adulte (dT) à l'âge de 14 à 16 ans (fin du secondaire) et au moins une autre dose à l'âge adulte (voir ci-dessous).

Primovaccination des personnes âgées de >= 7 ans

Il est recommandé d'administrer la préparation adsorbée associant les anatoxines tétanique et diphtérique (dT, de type adulte) contenant moins d'anatoxine diphtérique que les préparations administrées aux jeunes enfants. Cette quantité réduite risque moins de causer des réactions chez les personnes plus âgées. Deux doses sont administrées à 4 à 8 semaines d'intervalle, et une troisième dose est donnée 6 à 12 mois plus tard pour compléter la série.

Doses de rappel

La nécessité de recevoir des doses de rappel régulières tout au long de la vie adulte n'a jamais été établie. Au Canada et aux États-Unis, il est rare qu'on observe un cas de diphtérie chez un adulte qui a reçu la série primaire complète, malgré le fait que la plupart des gens n'aient pas reçu des doses de rappel tous les 10 ans comme il est recommandé. Le rapport qui existe entre l'observance limitée de cette recommandation et la situation favorable actuelle en ce qui concerne cette maladie demeure par ailleurs obscur. Par conséquent, il existe peu de données solides sur lesquelles on peut fonder une recommandation en faveur de doses de rappel moins fréquentes; on sait en outre que les taux sanguins d'antitoxine diminuent avec le temps.

L'objectif prioritaire devrait être de veiller à ce que les enfants reçoivent la série de doses recommandées, notamment la dose à la fin des études secondaires vers l'âge de 14 à 16 ans, et que les adultes aient reçu la série primaire complète.

diphtérique

Voici les options acceptables en ce qui concerne les doses de rappel pour adultes :

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continuer d'offrir des doses de rappel de dT à intervalles de 10 ans, ou
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au minimum, revoir le statut immunitaire au moins une fois à l'âge adulte, p. ex., à 50 ans, et offrir une dose unique de dT à toutes les personnes qui n'en ont pas reçu au cours des 10 années précédentes.

De plus,

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Les personnes qui voyagent dans des régions où elles risquent d'être exposées à la diphtérie peuvent recevoir une dose de rappel de dT si > 10 années se sont écoulées depuis leur dernière dose de rappel.
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Si un cas de diphtérie se produit, les personnes qui ont été en contact étroit avec le malade (maison, classe ou autre situation semblable) devraient recevoir une dose d'anatoxine diphtérique adaptée à leur âge à moins qu'on sache qu'elles ont été complètement immunisées et qu'elles ont reçu leur dernière dose de rappel au cours des 10 années précédentes. Les autres doses nécessaires pour assurer la pleine immunisation doivent être administrées à tous les contacts qui n'étaient pas immunisés auparavant ou qui ne l'étaient que partiellement. À moins que des tests sérologiques montrent qu'ils ont des taux protecteurs d'antitoxine, les patients qui ont souffert de diphtérie devraient recevoir une série primaire complète d'anatoxine diphtérique, étant donné que l'infection diphtérique ne confère pas toujours l'immunité.

Les personnes qui doivent recevoir une dose de rappel d'anatoxine tétanique après avoir subi une blessure devraient également recevoir le dT afin de renforcer la protection contre la diphtérie.

Effets secondaires

Chez les enfants et les adultes, l'anatoxine diphtérique peut causer des réactions locales et fébriles sévères mais passagères, dont la fréquence augmente avec l'âge, la dose d'anatoxine et le nombre de doses administrées. Une forte proportion des enfants qui reçoivent à l'âge de 4 à 6 ans une dose de rappel du vaccin DCaT développent localement un érythème et/ou une induration de >= 5 cmde diamètre. Lorsqu'une dose de rappel de dT est administrée à l'âge de 14 à 16 ans, seulement 10 % des vaccinés présentent une réaction locale importante.

Contre-indications et précautions

Les personnes âgées de >= 7 ans ne devraient recevoir que les préparations destinées aux enfants plus âgés et aux adultes (dT ou dTCa). Avant d'administrer un vaccin associé, il est très important de vérifier si l'administration des autres composantes du vaccin n'est pas contre-indiquée.

Si l'on envisage d'utiliser une préparation bivalente contre la diphtérie et le tétanos, il faut éviter d'administrer l'anatoxine tétanique plus souvent que recommandé (voir la section sur l'anatoxine tétanique du Guide), car il peut en résulter des effets secondaires.

Anatoxine diphtérique

On doit administrer les vaccins adsorbés par voie intramusculaire, étant donné que l'injection sous-cutanée de produits adsorbés entraîne un taux beaucoup plus élevé de réactions locales.

Vaccins associés contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos et la poliomyélite

Il est recommandé de toujours administrer les anatoxines diphtérique et tétanique, le vaccin acellulaire contre la coqueluche et le vaccin contre la poliomyélite dans une formulation associée adaptée à l'âge.

Les réactions locales et systémiques qui dans le passé étaient associées à la série primaire du vaccin DCT ou DCT-polio contenant le vaccin anticoquelucheux à bacilles entiers semblent avoir été causées principalement par la composante anticoquelucheuse. Le taux de réaction au vaccin associé est en effet sensiblement le même que le taux de réaction au vaccin contre la coqueluche employé seul. Les produits contenant le vaccin acellulaire contre la coqueluche produisent beaucoup moins souvent des effets secondaires, mais des réactions locales ont été observées après la quatrième et la cinquième dose.

Pour les personnes de >= 7 ans, on choisira de préférence la préparation adsorbée formulée pour les adultes (dT ou dCat) associant les anatoxines diphtérique et tétanique.

Cette préparation est recommandée :

1.

pour la primovaccination contre la diphtérie et le tétanos des enfants plus âgés et des adultes;
2.

pour les doses régulières de rappel administrées aux enfants à l'âge de 14 à 16 ans et pour les adultes;
3.

dans le traitement des blessures si l'anatoxine tétanique est indiquée.

Il existe une préparation associée adsorbée contenant des anatoxines diphtérique et tétanique ainsi qu'un vaccin inactivé contre la poliomyélite (dT-polio) pour l'immunisation des enfants de >= 7 ans et de certains adultes. Pour obtenir des détails concernant l'usage de ce produit et les précautions, voir les sections pertinentes du présent Guide. Toute discussion portant sur la lutte contre les cas et éclosions dans la collectivité dépasse la portée du présent Guide.